En physique, la dualité onde-particule ou dualité onde-corpuscule est un principe selon lequel tous les objets de l'univers microscopique présentent simultanément des propriétés d'ondes et de particules. Ce concept fait partie des fondements de la mécanique quantique.
Cette dualité tente de rendre compte de l'inadéquation des concepts conventionnels de « particules » ou d'« ondes », pris isolément, à décrire le comportement des objets quantiques. L'idée de la dualité prend ses racines dans un débat remontant aussi loin que le XVIIe siècle siècle, quand s'affrontaient les théories concurrentes de Christiaan Huygens qui considérait que la lumière était composée d'ondes et celle de Isaac Newton qui considérait la lumière comme un flot de particules. À la suite des travaux de Albert Einstein, Louis de Broglie et bien d'autres, les théories scientifiques modernes accordent à tous les objets une nature d'onde et de particule, bien que ce phénomène ne soit perceptible qu'à des échelles microscopiques.
Onde ou particule, c'est l'absence de représentation plus adéquate de la réalité des phénomènes qui nous oblige à adopter, selon le cas, un des deux modèles alors qu'ils semblent antinomiques (voir infra).
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Sommaire * 1 Approches vulgarisées
o 1.1 Introduction
o 1.2 La métaphore du cylindre
* 2 Historique du concept
o 2.1 Huygens et Newton
o 2.2 Fresnel, Maxwell et Young
o 2.3 Einstein et photons
o 2.4 De Broglie
* 3 Mise en évidence de la dualité
* 4 Interprétation de la dualité
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Approches vulgariséesIntroductionUn des grands problèmes de la physique quantique est de donner des images. En effet, l'être humain a besoin d'images pour réfléchir, pour retenir (voir l'article Psychologie cognitive).
On ne peut se construire des images que par analogie avec ce que l'on connaît, avec notre expérience quotidienne. Ainsi, lorsque l'on s'imagine une onde, il nous vient à l'esprit les vagues sur l'eau ; lorsque l'on s'imagine une particule, il nous vient à l'esprit une bille.
Le problème en physique quantique est que, pour se représenter les objets aux petites échelles ou aux échelles élevées d'énergie (particules élémentaires), il faut faire appel aux deux notions d'ondes et de particules solides, alors qu'elles sont opposées et incompatibles :
Propriétés macroscopiques des ondes et particules :
| Particule | Onde |
Position ou interaction | Localisée, d'extension définie | Délocalisée, d'extension infinie dans le temps et l'espace |
Propagation | Trajectoire continue, avec une vitesse définie et observable | Diffusion en même temps dans toutes les directions (son "moment" virtuel n'est pas directement observable) |
Dénombrabilité et séparabilité | L'objet est dénombrable, et séparable en objets distincts | L'objet est indénombrable et inséparable en objets distincts |
Ceci cause un grand trouble, une incompréhension, et entraîne fréquemment un blocage, notamment lorsque l'on se pose la question : « si une particule est bien localisée lors d'une interaction, comment se fait-il qu'elle ne le soit pas hors interaction ? »
La métaphore du cylindreMétaphore du cylindre : objet ayant à la fois les propriétés d'un cercle et d'un rectangleLa métaphore du cylindre est l'exemple d'un objet ayant des propriétés apparemment inconciliables. Il serait à première vue incongru d'affirmer qu'un objet a à la fois les propriétés d'un cercle et d'un rectangle : sur un plan, un objet est soit un cercle, soit un rectangle.
Mais si l'on considère un cylindre : une projection dans l'axe du cylindre donne un cercle, et une projection perpendiculairement à cet axe donne un rectangle.
On a donc bien un objet ayant les propriétés de l'un et de l'autre (mais il n'est ni l'un, ni l'autre). « Onde » et « particule » sont des manières de voir les choses et non pas les choses en elles même.
Notons par ailleurs que dans la description mathématique de la physique quantique, le résultat de la mesure est similaire à une projection géométrique (notion d'observable : l'état de l'objet est décrit par des nombres que l'on peut voir comme des coordonnées dans une base vectorielle, et en géométrie euclidienne, les coordonnées sont la projection de l'objet sur les axes de référence).
C’est l’absence d’équivalent macroscopique sur quoi nous pourrions nous référer qui nous force à penser les objets quantiques comme possédant des attributs contradictoires. Il serait inexact de dire que la lumière (comme tout autre système quantique d’ailleurs) est à la fois une onde et une particule, ce n’est ni l’un, ni l’autre. Le manque d'un vocabulaire adéquat et l'impossibilité de se faire une représentation mentale intuitive des phénomènes à petite échelle nous font voir ces objets comme ayant une nature, par elle même, antinomique.
Pour lever cet apparent paradoxe et insister sur l'imperfection de nos concepts classiques d'onde et de corpuscule, les physiciens Jean-Marc Lévy-Leblond et Françoise Balibar ont proposé d'utiliser le terme de « quanton » pour parler d'un objet quantique. Un quanton n'est ni une onde, ni un corpuscule, mais peut présenter les deux aspects selon le principe de complémentarité de Bohr.
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Historique du conceptLa dualité onde-particule s'est imposée au terme d'une longue histoire où les aspects purement ondulatoires et corpusculaires ont été tour à tour privilégiés. Ces aspects ont tout d'abord été mis en évidence avec les théories de la lumière, avant d'être étendus — au XXe siècle — à tous les objets physiques.
Huygens et NewtonLa première théorie complète de la lumière a été établie par le physicien néerlandais Christiaan Huygens au XVIIe siècle. Il proposait une théorie ondulatoire de la lumière et a en particulier démontré que les ondes lumineuses pouvaient interférer de manière à former un front d'onde se propageant en ligne droite. Toutefois, sa théorie possédait certaines limitations en d'autres domaines et fut bientôt éclipsée par la théorie corpusculaire de la lumière établie à la même époque par Isaac Newton.
Newton proposait une lumière constituée de petites particules, expliquant ainsi simplement les phénomènes de réflexion optique. Au prix de complications considérables, cette théorie pouvait également expliquer les phénomènes de réfraction à travers une lentille, et de dispersion d'un faisceau lumineux à travers un prisme.
Bénéficiant de l'immense prestige de Newton, cette théorie ne fut pas remise en question pendant plus d'un siècle.
Fresnel, Maxwell et YoungAu début du XIXe siècle, les expériences de diffraction faites par Thomas Young et Augustin Fresnel ont démontré l'exactitude des théories de Christiaan Huygens : ces expériences prouvèrent que quand la lumière est envoyée sur un réseau de diffraction, on observe un motif d'interférence caractéristique, très semblable aux motifs résultant de l'interférence d'ondulations sur l'eau; la longueur d'onde de la lumière peut être calculée à partir de tels motifs.
Le point de vue ondulatoire n'a pas remplacé immédiatement le point de vue corpusculaire, mais s'est imposé peu à peu à la communauté scientifique au cours du XIXe siècle, surtout grâce à l'explication en 1821 par Augustin Fresnel du phénomène de polarisation de la lumière que ne pouvait expliquer l'autre approche, puis à la suite de l'expérience menée en 1850 par Léon Foucault sur la vitesse de propagation de la lumière. Ces équations furent vérifiées par maintes expériences et le point de vue de Huygens devint largement admis.
James Maxwell, à la fin du XIXe siècle, expliqua la lumière en tant que propagation d'ondes électromagnétiques avec les équations de Maxwell.
Einstein et photonsEn 1905, Albert Einstein réconcilia la théorie de Huygens avec celle de Newton : il expliqua l'effet photoélectrique, un effet dans lequel la lumière n'agit pas en tant qu'onde, en postulant l'existence des photons, quanta d'énergie lumineuse avec des qualités de particules. Einstein postula que la fréquence ν de cette lumière, est liée à l'énergie E des photons :
E = hν
où h est la constante de Planck (6,626×10-34J s).
De BroglieEn 1924, dans sa thèse[1], Louis de Broglie affirma que toute matière (et pas seulement la lumière) a une nature ondulatoire. Il associa la quantité de mouvement p d'une particule à une longueur d'onde λ, appelée longueur d'onde de de Broglie :
C'est une généralisation de la relation de Planck-Einstein indiquée ci-dessus, car la quantité de mouvement (ou l'impulsion) d'un photon est donné par
où c est la vitesse de la lumière dans le vide, et
(si on remplace p et ν dans l'équation de de Broglie, on retrouve l'équation d'Einstein).
La formule exprimée par de Broglie fut confirmée trois ans après par Clinton Joseph Davisson et Lester Halbert Germer. Ceux-ci dirigèrent un faisceau d'électrons qui, contrairement aux photons, ont une masse vers un réseau de diffraction cristallin : les motifs d'interférence attendus purent ainsi être observés. Des expériences semblables ont été entreprises depuis avec des protons et même avec des molécules entières, avec notamment l'expérience d'Estermann et Otto Stern en 1929, et la formule a été confirmée dans tous les cas.
De Broglie reçut en 1929 le prix Nobel de physique pour son hypothèse, qui influença profondément la physique de cette époque.
La confirmation la plus spectaculaire est celle qui a été faite en 1999 par des chercheurs de l'Université de Vienne[2], qui ont fait diffracter du fullerène (molécule C60). Dans cette expérience, la longueur d'onde de de Broglie était de 2,5 pm alors que la molécule a un diamètre d'environ 1 nm, soit 400 fois supérieur.