Le spin est une propriété quantique intrinsèque associée à chaque particule, qui est caractéristique de la nature de la particule, au même titre que sa masse et sa charge électrique. Comme la majorité des observables quantiques, sa mesure donne des valeurs discontinues et est soumise au principe d'incertitude.
Le spin a été expérimentalement mis en évidence en 1922 dans l'expérience de Stern et Gerlach et a été d'abord interprété comme le moment angulaire d'une rotation de la particule sur elle-même, autour d'un axe. Cette image est correcte dans la mesure où le spin peut être modélisé par les mêmes lois mathématiques qu'un moment angulaire (quantique), mais comme cette interprétation implique une propriété géométrique qui est en contradiction avec la relativité, elle a été abandonnée. On désigne parfois le spin comme un moment angulaire (ou cinétique) intrinsèque, c'est à dire répondant aux mêmes lois algébriques, sans correspondre à la représentation géométrique que l'on s'en fait.
En 1927, Wolfgang Pauli a proposé la modélisation du spin en terme de matrices, ce qui correspond à une écriture en terme d'opérateurs sur la fonction d'onde intervenants dans l'équation de Schrödinger : l'équation de Pauli. En 1928, Paul Dirac en a démontré la version relativiste : l'équation de Dirac. En 1940, Eugène Wigner a démontré que le spin est l'un de deux invariants (avec la masse) quand on fait subir à un vecteur d'un espace de Hilbert, décrivant un système quantique, des transformations correspondant à des translations, des rotations et des symétries dans l'espace-temps à quatre dimensions de la relativité restreinte (ces opérations formant le groupe des isométries de l'espace de Minkowski appelé le groupe de Poincaré).Cela mène à la définition moderne du spin : le spin permet de caractériser le comportement du champ associé à une particule sous l'effet de la symétrie de rotation de l'espace.
Le spin a d'importantes implications théoriques et pratiques. Il est responsable du moment magnétique orbital et donc de l'effet Zeeman qui en découle. Les particules sont classées selon la valeur de leur spin : les bosons de spin entier et les fermions de spin demi-entier. Fermions et bosons se comportent différemment dans des systèmes comprenant plusieurs particules identiques ; le comportement fermionique de l'électron est ainsi la cause du principe d'exclusion de Pauli, des régularités de la table périodique des éléments, et de la stabilité des liaisons chimiques. L'interaction spin-orbite conduit à la structure fine du spectre atomique. Le spin de l'électron joue un rôle important dans le magnétisme, et la manipulation des courants de spins dans des nano-circuits conduit à un nouveau champ de recherche : la spintronique. La manipulation des spin nucléaires par résonance magnétique nucléaire est importante dans la spectroscopie chimique et l'imagerie médicale (IRM). Le spin du photon – ou plus exactement son hélicité – est associé à la polarisation de la lumière.
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Sommaire * 1 Spin des particules usuelles
* 2 Historique
o 2.1 « Rotation propre »
* 3 Formalisme de Pauli
o 3.1 Opérateur spin
o 3.2 Spin 1/2 - matrices de Pauli
o 3.3 Représentation géométrique du spin par une sphère de Riemann
* 4 Moment magnétique de spin
o 4.1 Définition. Facteur de Landé
o 4.2 Magnéton de Bohr
o 4.3 Moment magnétique anomal de l'électron
* 5 Spin et représentation de groupes
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Spin des particules usuellesComme la plupart des observables, le spin est représentable par un vecteur[1] dont toute mesure est quantifiée (les mesures donnent des valeurs discontinues), et surtout le principe d'incertitude s'applique aux mesures du spin faites dans les différentes directions de l'espace : on peut mesurer précisemment la norme du vecteur et une projection sur un axe de coordonnées, mais les deux autres projections sur les deux autres axes ne sont plus alors mesurables. Mathématiquement, cela est dû au fait que les trois opérateurs de projections du spin
,
,
ne commutent pas entre eux, mais tous commutent avec
l'opérateur de la norme (au carré).
Les propriétés algébriques des opérateurs du spin impliquent qu'il existe un nombre s dit entier ou « demi-entier », c-est-à-dire pris dans l'ensemble {0, 1/2, 1, 3/2, 2, ...} et nommé spin, tel que la mesure de la norme du vecteur donne
et que la mesure de la projection du vecteur sur un axe quelconque donne un résultat parmi les 2 s + 1 valeurs possibles
.
Pour une raison assez complexe démontrée dans le cadre de ce qui est appelé théorème spin-statistique, le valeur entière ou demi-entière du spin détermine une propriété cruciale de la particule : si son spin est entier, c'est un boson, si son spin est demi-entier, c'est un fermion.
La totalité des particules connues ou d'existence fortement suspectée à un spin compris entre 0 et 2. En particulier
* Spin 0 : le boson de Higgs, particule hypothétique, non encore découverte expérimentalement.
* Spin 1/2 : l'électron, le positron, le proton, le neutron, les neutrinos, les quarks, etc.
* Spin 1 : le photon, les bosons W± et Z0, vecteurs de l'interaction faible.
* Spin 2 : le graviton, particule hypothétique vecteur de la gravitation.
Il n'existe pas de particule élémentaire connue de spin 3/2, mais la supersymétrie, si elle existe, en prédit une, le gravitino.
Le spin de particules composées de plusieurs particules élémentaires, comme le proton, le neutron, tout noyau atomique ou atome, est constitué des spins des particules qui les composent auxquels s'ajoute leur éventuel moment angulaire orbital.
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HistoriqueLe spin de l'éléctron a été expérimentalement mis en évidence en 1922 dans l'expérience de Stern et Gerlach et a d'abord été interprété comme une rotation de la particule autour d'un axe (comme son nom l'indique en anglais) en 1923 par George Uhlenbeck et Samuel Goudsmit, mais Wolfgang Pauli a montré en 1924 que, compte tenu des dimensions connues de l'électron, cela nécessitait une vitesse de rotation à son équateur qui serait supérieure à la vitesse de la lumière. Dès lors la représentation du spin en terme de rotation n'a plus été utilisée en dehors d'un cadre de vulgarisation.
La notion théorique de spin a été introduite par Pauli en décembre 1924 pour l'électron, afin d'expliquer un résultat expérimental qui restait incompréhensible dans le cadre naissant de la mécanique quantique non relativiste : l'effet Zeeman anormal. L'approche développée par Pauli consistait à introduire de façon ad-hoc le spin en ajoutant un postulat supplémentaire aux autres postulats de la mécanique quantique non relativiste (équation de Schrödinger, etc.).
En 1927, Wolfgang Pauli a proposé la modélisation du spin en terme de matrices, ce qui correspond à une écriture en terme d'opérateurs sur la fonction d'onde intervenants dans l'équation de Schrödinger : l'équation de Pauli. En 1928, à partir de l'équation de Klein-Gordon, Paul Dirac démontra qu'une particule ayant un spin non-nul vérifie une équation relativiste, appelée aujourd'hui équation de Dirac.
Enfin, c'est en théorie quantique des champs que le spin montre son caractère le plus fondamental. L'analyse du groupe de Poincaré effectuée par Wigner en 1939 montra en effet qu'une particule est associée à un champ quantique, opérateur qui se transforme comme une représentation irréductible du groupe de Poincaré. Ces représentations irréductibles se classent par deux nombres réels positifs : la masse et le spin.
Le spin du photon a été découvert expérimentalement par Raman et Bhagavantam en 1931.
« Rotation propre »Historiquement, le spin a d'abord été interprété par Samuel Goudsmit et George Uhlenbeck en septembre 1925, comme étant un moment cinétique intrinsèque, c'est-à-dire dû à une rotation de la particule sur elle-même. Cette vision classique d'une rotation propre de la particule est en fait trop naïve. En effet, si la particule est ponctuelle, la notion de rotation propre autour de son axe est tout simplement dénuée de sens physique. Si à l'inverse la particule n'est pas ponctuelle, alors la notion possède un sens, mais on se heurte dans ce cas à une autre difficulté. Supposons par exemple que la particule soit un électron, modélisé comme étant un corps sphérique de rayon a. On obtient une estimation de ce rayon en écrivant que l'énergie de masse de l'électron est de l'ordre de grandeur de son énergie potentielle électrostatique, soit :
où q est la charge électrique de l'électron, m sa masse, c la vitesse de la lumière et ε0 la permittivité du vide. La valeur numérique de ce rayon classique de l'électron est de l'ordre de 10-15 mètre. Si l'on attribue alors à cet électron un moment cinétique égal à ℏ / 2, on obtient pour un point de l'équateur une vitesse v vérifiant :
ce qui, en combinant avec l'équation précédente donne
où l'on a introduit la constante de structure fine α. α étant bien plus petite que 1, la valeur obtenue de la vitesse est très supérieure à celle de la lumière, en contradiction avec la relativité restreinte.
De fait, aucune description purement mécanique de la nature du spin n'est en mesure de rendre compte des propriétés observées. En particulier il est difficile de conceptualiser à quoi un spin demi-entier peut correspondre pour une particule élémentaire.